La bouche, d’abord organe de succion, devient une zone érogène.
Elle symbolise la sensualité et un outil de séduction.
Le baiser est un signe d’affection, voire d’alliance.
Mais la bouche peut être perçue également comme dévorante, castratrice… elle revêt alors un aspect d’inquiétante monstruosité.
Et ce double aspect m’intéresse, en cela qu’il révèle et symbolise toute la complexité du monde.
Pour réaliser mes installations, je passe par deux techniques de « soft-sculpture » (type de sculptures faites de tissus, plastique, papier, fibres et autres matériaux similaires, qui sont souples et non rigides) : des volumes en tissus et des volumes en papier mâché. La technique du papier mâché, fort utilisée dans la culture populaire (particulièrement en Amérique Latine, mais aussi en Europe -Carnaval-), me permet de réaliser rapidement de grandes structures, tout en gardant une fragilité qui évoque l’éphémère.
Mon travail s’inscrit dans une démarche sociologique, et cette dimension s'est révélée d'elle même, dès la première résidence que j'ai faite. En effet, cette résidence a été l'occasion de penser une oeuvre destinée à un public très marqué par son ancrage dans un quartier sensible. Ma proposition a voulu prendre en compte cette dimension et faire écho à ces difficultés en proposant un oeuvre pop, joyeuse, qui suscite la discussion... (l’eau à la bouche)1.
L'idée était d'égayer, mais aussi de décloisonner, de créer un pont entre eux (les habitants) et nous (les plasticiennes) qui passions par là. J'avais envie que cette résidence, cette installation, puisse constituer une fenêtre vers autre chose. Aussi petite que soit la fenêtre, j'espérais qu'elle puisse être une bouffée d'air...
Ensuite, cette envie de travailler en relation avec le lieu, les habitants, ou l'histoire du lieu, s'est toujours imposée.
Cette dimension sociologique, ainsi que l'évocation du corps dans mon travail et les références symboliques, en disent long sur mon parcours. Une dizaine d'années d'études en sciences humaines (socio-psycho-anthropologie), puis un parcours complet d'ostéopathe.
L’activité onirique, la rêverie, représentent la voie royale qui mène à l’inconscient.
Pendant des années je n'ai pas réussi à me souvenir de mes rêves. Et pour remédier à cet état de fait j’ai dessiné, écrit, et recherché des significations, des symboles associés aux bribes de rêves que je contactais. Peu à peu ces symboles se sont imposés comme éléments signifiants et centraux.
Les installations que je réalise font donc référence à des symboles forts qui s'adressent directement à notre inconscient par l'intermédiaire de notre mémoire photographique.
Ce qui m'intéresse précisément dans la matière du rêve, c'est qu'elle est une émergence de notre inconscient. Cet inconscient, hors-champ, impossible à maîtriser, me fascine. Il fait ce qu’il veut, aucune tentative de contrôle n’aboutira. Ce qui émane de l’inconscient, reflète une certaine sauvagerie qui me touche. Le rêve est une expression de liberté. Il implique une transformation , et donne accès à du nouveau, de l’inédit.
Les premières impulsions artistiques que j’ai produites, se sont faites dans la rue (90's). J’ai commencé par le street art où l’on retrouve la notion de hors-cadre, de marge, ainsi que le côté brut et éphémère (notions auxquelles je reste très attachée).
Dans mes installations, c’est la matière qui évoque l’éphémère.
Le papier mâché, fragile, porte en lui cette référence.
La bouche, qui est un motif récurrent dans mon travail, évoque pour moi ce que notre inconscient a à dire.
La bouche reçoit le premier souffle, et à la mort elle expulse le dernier…
C’est une porte qui laisse entrer ou sortir.
C’est aussi une caverne chaude et humide, qui symbolise la Déesse Mère et l’utérus, c’est-à-dire la matrice.
On parle du “verbe créateur”, du pouvoir générateur de ce qui est dit.
Or ce verbe est conçu dans la bouche, au terme d’un long apprentissage qui permettra l’acquisition d’un langage élaboré et pertinent.